Douleurs articulaires à cause de la course a pied : mythe ou réalité

La course à pied est souvent accusée de provoquer des douleurs articulaires, notamment aux genoux, aux hanches et à la colonne vertébrale. Mais cette activité est-elle réellement néfaste pour les articulations, ou s’agit-il d’une idée reçue ?
De nombreuses personnes souffrent de douleurs articulaires liées à l’arthrose, aux blessures ou aux raideurs chroniques, ce qui les freine dans leur pratique sportive. Pourtant, l’absence de mouvement favorise la sédentarité et accélère la dégradation des fonctions articulaires.
Alors, comment courir sans risquer d’abîmer ses articulations ? Ce sport pourrait-il, au contraire, contribuer à leur préservation et à la réduction des douleurs chroniques ?
Dans cet article rédigé par le Dr Stéphane Cascua, Médecin en sport, découvrez comment la course à pied, pratiquée de manière adaptée, peut devenir un allié pour vos articulations et quels sont les meilleurs conseils pour en tirer tous les bénéfices sans douleur.
La course à pied est-elle bénéfique contre les douleurs articulaires ?
La course à pied rebooste la colonne vertébrale
La pression exercée sur les disques intervertébraux a été évaluée par WILKE. En effet, certains prisonniers américains ont accepté qu’on place des capteurs au niveau de leur colonne vertébrale. Le constat est surprenant ! La pression moyenne mesurée en étant debout dépasse celle enregistrée lors d’une course à pied ! La course semble ainsi exercer un effet de « décompression » plutôt que de compression sur les disques vertébraux, suggérant un potentiel bénéfique face aux douleurs articulaires chroniques dans le dos. Et si ce sport était une solution plutôt qu’un problème ?
Les variations de pression, une aide précieuse face aux douleurs articulaires ?
Votre colonne vertébrale n’est pas faite pour rester longtemps immobile et c’est pourtant le cas durant la nuit. Vous vous réveillez parfois avec des raideurs et des douleurs articulaires le matin. Puis le quotidien reprend le dessus, vous préparez votre petit-déjeuner, prenez une douche…
Et finalement, vous vous rendez compte qu’au bout de quelques minutes, les gênes et douleurs articulaires commencent à s’estomper progressivement ! Les médecins décrivent ce phénomène comme le « dérouillage matinal ».
C’est un peu pareil avec la course à pied. Elle induit des variations de pression et permet aux disques de se « regonfler » en quelque sorte. Ces variations contribuent également à réhydrater les disques via un processus de « pompage intervertébral ». De plus, cette activité renforce la structure musculaire du dos et permet de mieux soutenir le buste à chaque pas.
Les chiffres à ce sujet sont assez parlants. Seulement :
- 5 à 8 % des coureurs ressentent des douleurs articulaires au niveau du dos (vs 20 à 30% des personnes sédentaires),
- 5 % des coureurs ont déclaré souffrir de ces douleurs articulaires (vs 80 % des personnes sédentaires).
Plutôt intéressant, vous ne trouvez pas ? Ces études épidémiologiques montrent que les coureurs présentent moins de douleurs dorsales que les personnes sédentaires, soulignant l’impact positif de l’activité physique sur les articulations.

Mouvements et muscles puissants pour protéger le cartilage
Un jogging modéré préserve le cartilage
Les douleurs articulaires, qu’elles soient liées à l’arthrose, à des blessures ou à une raideur chronique, constituent un véritable frein pour ceux qui souhaitent pratiquer une activité physique régulière. Lors des poussées d’arthrose, la douleur et l’inflammation peuvent rendre le mouvement difficile, renforçant ainsi l’idée que la course à pied pourrait aggraver la situation. Pourtant, l’absence de mouvement est tout aussi problématique, favorisant la sédentarité, qui est une cause directe de dégradation des fonctions articulaires.
Une centaine de coureurs de fonds ont été suivis sur une longue période allant de 15 à 18 ans (Zatarian). Des radiographies de la hanche et des genoux ont été effectuées régulièrement pour mesurer l’épaisseur du cartilage… Vous savez, ce fameux matériau qui fournit une surface lisse et permettant aux pièces osseuses de rouler et de glisser sans frottements les unes par rapport aux autres.
Et c’est là que cela devient intéressant. Les résultats indiquent que les joggeurs n’altèrent pas davantage leur cartilage que les personnes sédentaires (groupe témoin), à condition de ne pas dépasser une certaine distance hebdomadaire, estimée à 30-50 km selon les spécialistes.
Alimentation du cartilage par le mouvement
Le mouvement est vital pour le cartilage. Comme vous le savez, cette zone n’est pas irriguée par les vaisseaux sanguins…et a donc besoin de se nourrir à partir des substances issues des tissus avoisinants. Ce mécanisme est possible grâce aux fluctuations de pression induites par le mouvement.
Les muscles puissants et endurants protègent le cartilage !
Chez l’animal, l’absence de mouvement conduit à une détérioration du cartilage. Une étude chez des rongeurs a montré qu’après immobilisation, les zones articulaires se creusaient, traduisant une usure 5. Après une période prolongée d’immobilisation, le cartilage des rongeurs dépérit et présente des signes d’usure dans les zones de contact : il a tendance à se creuser ! À l’inverse, le renforcement musculaire stabilise et protège les articulations. Chez l’humain aussi, des muscles puissants contribuent à un fonctionnement articulaire plus fluide, préservant ainsi le cartilage et limitant les risques de douleurs articulaires.

Les solutions complémentaires pour lutter contre l’arthrose
Diversifier les activités sportives est la clé face à l’arthrose !
Faites du vélo, du cardio, de la natation ou toute autre activité sportive qui vous semble intéressante…
Attention au volume d’entraînement
Il est recommandé de rester sous les 30-50 km de course par semaine pour préserver le cartilage et éviter les microtraumatismes répétitifs 4. L’adaptation progressive est essentielle : augmentation douce du volume, échauffement, étirements ciblés et bonnes chaussures font partie des bonnes pratiques.
Le fait de combiner ces différentes activités sportives renforce aussi l’endurance et favorise une meilleure adaptation des articulations face à différents types de mouvements. Cela permet aussi de diminuer le nombre de blessures. En effet, Les sportifs qui diversifient leurs disciplines, comme les triathlètes, présentent un taux de blessure plus faible que les coureurs exclusifs, malgré une charge d’entraînement plus élevée 6. Cela s’explique par une meilleure adaptation biomécanique et une récupération optimisée.
Pour résumer, augmentez votre endurance, diversifiez vos activités sportives et n’hésitez pas à commencer bien avant l’apparition des premiers d’arthrose ! Mieux vaut prévenir que guérir …

Intérêt nutritionnel de certains nutriments pour des articulations saines

Certaines substances présentes dans l’alimentation jouent un rôle dans la constitution des tissus conjonctifs.
C’est le cas de nutriments comme le collagène hydrolysé, les acides aminés, ou encore certaines plantes comme le bambou, naturellement riche en silice. Bien qu’aucune allégation santé ne soit autorisée à ce jour pour ces ingrédients au niveau européen, plusieurs études explorent leur intérêt potentiel dans la composition des matrices articulaires 7,8.
Leur consommation peut s’inscrire dans une approche globale d’accompagnement nutritionnel, en complément d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique régulière.

Les précautions à prendre face à certains types de douleurs articulaires
Limiter ses activités physiques en cas de hernie discale
Bien que la course à pied soit intéressante dans le cadre de l’usure du disque, ce n’est pas la même chose concernant la hernie discale. En cas de hernie discale avérée, certains mouvements peuvent irriter les nerfs.
La course à pied peut alors aggraver les symptômes. Cette problématique se caractérise par l’expulsion du matériau « amortissant » de l’articulation. Elle entraîne même une réaction inflammatoire et une irritation des principaux nerfs sciatiques. Dans ce cas de figure, il est conseillé de consulter un professionnel de santé pour adapter l’activité physique et surtout d’éviter les mouvements susceptibles de provoquer des douleurs articulaires.
Prudence face aux autres types de douleurs articulaires
Opération du ligament croisé du genou, jambes arquées, fractures au niveau des articulations, entorses à répétition…Il est important de rester prudent dans ces différents cas de figures car le risque d’arthrose est nettement plus élevé. La course à pied est toujours conseillée mais uniquement si elle est modérée. En cas de doutes ou de douleurs articulaires prolongées, n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé.